Critique: Phenomena

Publié le par Rick Jacquet

PHENOMENA

Phenomena
1985 - Italie
Sortie française le 12 Juin 1985
Budget: 3.8 millions $
Genre: Giallo fantastique
Réalisation: Dario Argento
Musique: Goblin
Scénario: Dario Argento et Franco Ferrini
Avec Jennifer Connelly, Donald Pleasence, Daria Nicolodi, Fiore Argento et Patrick Bauchau


Jennifer Corvino, une jeune femme, arrive en Suisse pour suivre des cours dans une école réputée et très stricte. Souffrant de somnambulisme, elle va devoir, aidée par un entomologiste et son animal de compagnie (un singe), chercher un mystérieux tueur qui sévit dans la région. Jennifer possède un pouvoir qui lui sera d’une grande aide : sa faculté à pouvoir communiquer avec les insectes.

C’est en 1985, 3 ans après son fabuleux Ténèbres, que Dario Argento revient à la réalisation. Pour son deuxième film, il tente de refaire en partie le coup de génie de 1977, c'est-à-dire, Suspiria. Beaucoup considèrent Phenomena comme le début de la déchéance dans la carrière de Argento. A tort puisque le réalisateur a été capable de nous fournir des œuvres plus que correctes, encore récemment. Mais il est vrai que l’on peut noter une petite baisse de qualité à cette période. Pourtant, le début laissait présager le meilleur. Argento filme de façon unique la forêt Suisse, et nous invite à suivre une touriste, interprétée par sa fille, Fiore Argento. Fille qui, perdue, va explorer les environs et trouver une maison, dans laquelle une mystérieuse personne est enchaînée, et va se libérer, attaquer la touriste, qui va s’évader. Une course poursuite le long d’une chute d’eau va avoir lieue, et le tueur rattrapera sa victime, et la tuera. Dans ce prologue, d’un niveau très haut, le spectateur voit tout ce qu’il veut voir. La caméra d’Argento se place comme toujours astucieusement, les plans sont travaillés, les couleurs, les ambiances. La musique de cette séquence, signée Bill Wyman et Terry Taylor est absolument superbe. Le spectateur est témoin de ce meurtre dans la nature, il est à la fois effrayé et hypnotisé, devant une œuvre d’art, et veut absolument continuer. Ce prologue, bien que faisant penser à Suspiria, par ses cadrages et son environnement, se démarque grandement de celui-ci par l’ambiance si étrange et délectable qui se dégage des images. Une ambiance dure à décrire, une expérience magnifiquement belle, mais également difficile à cerner.

Passé ce prologue, le film devient rapidement plus classique (en quelque sorte) et nous présente le personnage principal, Jennifer Corvino. Interprétée par la magnifique et encore jeune Jennifer Connelly, on apprend très rapidement à cerner le personnage, et ses caractéristiques principales. Lors de son sommeil, Jennifer est prise de crise de somnambulisme, et ce sont ses crises qui vont la mener à croiser la route, sans qu’elle ne le veuille, du tueur qui sévit dans la région. Sa seconde caractéristique sera un autre essai chez Argento de mêler le giallo et le fantastique, après Suspiria et Inferno. Jennifer aime les insectes et a ainsi la capacité de parler avec eux, de les apaiser, et de se laisser guider. Tout cela aurait pu passer difficilement, mais avec la caméra d’Argento, la casse est grandement limitée, et l’ambiance si étrange du film nous englobe dans sa totalité, nous permettant de faire l’impasse sur certains défauts mineurs du film et une certaine rapidité d’action lors de certains passages, notamment les crises de somnambulisme de Jennifer. Aux côtés de Jennifer Connelly, on retrouve au casting Donald Pleasence, acteur connut pour avoir tourné avec John Carpenter sur Halloween, et 2 ans plus tard, sur Prince des ténèbres. Son amitié avec Jennifer se révèle assez juste, et ses connaissances dans le milieu des insectes importants pour le film. Dommage que son personnage ne soit pas un peu plus exploité. Et on retrouve, comme souvent dans les films de Argento, Daria Nicolodi, qui jouait déjà dans Les frissons de l’angoisse, Inferno ou Ténèbres. On la retrouvera deux ans plus tard dans Opéra, toujours de Argento, dans une scène devenue culte depuis, malgré la qualité moyenne du métrage. Nous sommes donc en terrain connu sur toute la ligne, du point du vue du giallo, du fantastique, ou du casting, et même de la musique… en grande partie.

La musique du film, en partie faite par Claudio Simonetti, reste de très bonne facture, et de nombreux thèmes marqueront les esprits, comme celle où Jennifer, de nuit, va se laisser guider par une luciole pour trouver un indice, où durant ses crises de somnambulismes. Mais lors de certains meurtres, le choix musical de Argento se tourne vers quelque chose de plus inattendu. Le hard rock. Des morceaux de Iron Maiden viendront donc se placer sur les images lors de certaines scènes de meurtres, et autant l’avouer, cela passe plutôt mal, et Argento refera l’expérience sur Opéra, malheureusement. Heureusement, la virtuosité du metteur en scène sauve ses passages, et les meurtres s’avèrent, à défaut d’être parfois bien sanglants, plutôt bien trouvés et brutaux. Mais là où Argento parvient à surprendre, autant du bon que du mauvais côté, avec le final de son film, c’est par la différence de ton entre le final et le reste du film. Là où la majeure partie misait sur son ambiance si étrange, mais magnifique, le final va se permettre des tonnes de débordements sanglants, forts bienvenus, surprenants pour certains. Mais c’est lors de ces derniers instants que la crédibilité de l’œuvre va en prendre un petit coup, tant certaines incohérences ou, osons le dire, imbécillités du récit obscurcissent le tableau. Mais cela devrait-il empêcher au spectateur d’apprécier Phenomena pour ce qu’il est ? Non, car à défaut d’être un très grand film de Argento, Phenomena reste une œuvre hybride, entre le fantastique pur et dur et le giallo, aux très belles images, contenant son lot de scènes mémorables, certaines très belles et bien trouvées. Assurément pas le début de la déchéance de Argento, qui commença plus tard avec Opéra.


NOTE: 15/20
En bref: Un beau film, inégal par moment, mais dont les nombreuses qualités en font une œuvre encore de haut niveau dans la filmographie de Argento, qui fera bien pire ensuite. Des choix de musiques parfois étranges et un final ne cherchant aucune logique, mais Phenomena reste une œuvre à voir.

Publié dans Critiques

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