Critique: Dagon
| Dagon |
On n’avait plus vraiment entendu parler de Stuart Gordon après Castle Freak en 1995, qui réunissait Jeffrey Combs et Barbara Crampton pour la troisième fois après Re-Animator et From Beyond. C’est en 2001 que Stuart Gordon fait son grand retour grâce à la société Fantastic Factory de son ami Brian Yuzna en signant Dagon. Dagon est une adaptation de deux nouvelles de Lovecraft : Dagon et Le cauchemar d’Innsmouth. Ecrit par Dennis Paoli en 1985 pour Yuzna, c’est finalement Gordon qui se retrouve à la mise en scène, et qui signe là par la même occasion son meilleur film et une des meilleures adaptations de Lovecraft. Au casting, que de nouveaux acteurs dans l’univers de Gordon, avec dans le rôle titre Ezra Godden, parfait dans son rôle de peureux féru d’informatique, bien qu’il puisse rapidement énerver en version française, et que l’on retrouve quelques années après dans Le cauchemar de la sorcière pour la saison 1 de la série Masters of horror. Au début du métrage, on a peur. Peur du spectacle qui s’annonce. Paul fait un cauchemar dans lequel il fait de la plongée, et se retrouve face à une femme nue, une sirène plus exactement, qui finira par lui dévoiler des dents acérées. Dagon montre d’office son plus grand défaut, à savoir la qualité de ces effets numériques. Bien souvent, on aura droit à quelques tentacules numériques du plus mauvais effet, qui nous font regretter quelques instants le fait que le cinéma montre plus de choses qu’un roman, puisque Lovecraft ne décrivait pas ses créatures, utilisant à maintes reprises le terme « indescriptible ».
Lors de ces premières 45 minutes, Dagon se révèle être une retranscription fidèle de la nouvelle Le cauchemar d’Innsmouth, avec une belle touche de modernité en plus. Choix intéressant, déjà puisque la nouvelle de base est des plus passionnantes et reste une des meilleures nouvelles de son auteur, et ensuite parce que les différents éléments de modernité s’intègrent à merveille au récit. Ordinateurs portables, style vestimentaire, Gordon modernise Lovecraft, mais sans oublier d’y mettre pas mal de clins d’oeil. Paul se retrouve avec un pull de l’université de Miskatonic, on reconnaitra des incantations issues d’autres nouvelles. Bref, le connaisseur est en terrain connu, et comme dit plus haut, les 45 premières minutes suivent fidèlement la nouvelle, bien que les personnages soient différents. En partant chercher de l’aide dans la ville, déserte, Paul et Barbara doivent se séparer. Barbara disparaît, et Paul se rend à l’hôtel pour l’attendre. Il sera réveillé au cours de la nuit par le son étrange que produisent les habitants, et, comme dans la nouvelle, le métrage se change en course poursuite, Paul allant chercher à fuir les habitants lancés à sa poursuite. La caméra est nerveuse, Gordon filmant la plupart du temps caméra à l’épaule, le tout va vite, on ressent le stress avec le personnage, d’autant plus que les rues du village et l’aspect général est assez étrange, tout comme les habitants qui le peuplent. Un effort incroyable a été fait au niveau de l’aspect visuel général, et le fait que tout le film se déroule sous la pluie ne fait qu’amplifier cet aspect. C’est lors de sa rencontre avec un vieillard alcoolique, Ezequiel, rencontre déjà présente dans la nouvelle, que le film va petit à petit se détacher de celle ci, pour le meilleur et pour le pire.
Ezequiel va alors raconter à Paul le passé du village, comment les choses sont devenues comme elles le sont maintenant. Pour le fan de Lovecraft, aucun doute, on est aux anges, tant l’ensemble respecte l’univers sans trop en faire. Cependant, passé la première heure, l’aspect course poursuite s’arrête, et le récit continue contrairement à la nouvelle, où le personnage parvenait à quitter la ville. Ici, Paul reste, et de nouveaux personnages ont leur apparition, comme celui de Uxia, apportant finalement au récit une finalité différente de la nouvelle, tout en restant très proche et dans le même ton. Les ajouts seront plutôt de l’ordre des effets spéciaux, avec quelques effets gore bienvenus et particulièrement réussis, et surtout une représentation visuelle de Dagon, pas très convaincante malheureusement. Mais ce serait bouder son plaisir pour rien, car si Dagon ne fait pas peur, il parvient à retranscrire de manière fidèle les écrits de Lovecraft et d’en être une des meilleures adaptations aux côtés de Call of Cthulhu. Une grande réussite que l’on n’attendait pas.
NOTE: 17/20 | En bref: Le plus grand film de Gordon, une adaptation fidèle lors de sa première heure, plus libre et sanglante lors de son final, mais vraiment réussie, malgré des effets numériques quelque peu ratés. |