Critique: Shinjuku Triad Society

Publié le par Rick Jacquet

SHINJUKU TRIAD SOCIETY
Shinjuku triad society
Titre original : Shinuku kuroshakai: Chaina mafia sensô
1995 - Japon
Genre: Policier
Réalisation: Takashi Miike
Musique: Atorie Shira
Scénario: Ichirô Fujita
Avec Kippei Shiina, Tomorowo Taguchi, Takeshi Caesar, Ren Osugi, Yukie Itou et Kazuhiro Mashiko

Flic aux méthodes violentes et expéditives, Tatsuhito, torturé par ses origines métissées sino-japonaises, va se lancer dans une quête effrénée pour faire tomber la triade menée par le sadique Wang, qui règne par la terreur sur les nuits interlopes du quartier de Shinjuku, à Tokyo. Une enquête jusqu’au bout de la nuit qui le conduira, entre-autres à Taiwan à la recherche des origines de Wang, avant de conclure dans le sang, sa mission sans retour.

C’est avec ce premier opus de la fausse trilogie Black Society que Miike va se faire connaître. Le film sera son premier métrage à obtenir une diffusion en salle, et provoquera son petit effet pour ses accès de violence et autres détournements sexuels. Alors qu’il mettait en scène la même année Osaka tough guys, comédie sympathique où les yakuza étaient des moins que rien, il prend ici une direction radicalement opposée, nous montrant une vision extrêmement violente, mais également glauque et parfois malsaine du milieu en question. Mais outre cet aspect, on retrouvera surtout ici la présence à l’écran de thèmes chers à Miike pour la première fois, avec notamment les immigrés (qui seront au centre de cette trilogie, que ce soit dans cet opus, Rainy dog ou Ley lines, et étant donc la thématique de la trilogie), l’enfance et la famille (que l’on retrouvera dans diverses œuvres dont Visitor Q et Dead or alive 2) ou encore l’homosexualité (Gozu ou le récent A big bang love juvenile). Dans Shinjuku Triad Society, Takashi Miike souhaite montrer ce qui se passe la nuit dans le quartier de Shinjuku, et pour se faire, il n’y va pas par quatre chemins, il le montre ouvertement. C’est ainsi que l’on se retrouve dés les premiers instants dans ce monde nocturne brutal, immoral et sans pitié, et l’on n’aura pas le temps de souffler. Un cadavre décapité et retrouvé dans les rues de la ville. Tatsuhito, policier japonais ayant des origines chinoises, dont le père est malade, la mère ne s’est pas adaptée au Japon et dont le frère travaille pour Wang, Taiwanais venu au Japon après avoir assassiné son père, arrive sur les lieux. Il est après Wang, et son enquête le mène dans une boite de nuit, ou un des subordonnés de Wang fait une fellation à un homme dans une cage d’escalier. L’homme s’échappe, en égorgeant un policier. Plusieurs suspects sont amenés au poste de police pour interrogatoire. Lors d’un de ses interrogatoires avec une jeune femme, celle-ci accepte de parler si Tatsuhiko accepte de lui faire l’amour, lequel ripostera d’une chaise en pleine tête. Apparition du titre !

Un prologue plutôt haut en couleur, démontrant déjà à l’époque la direction prise par Takashi Miike dans le monde du cinéma, ses goûts et ses thématiques. Mais ici, l’ensemble de ces éléments sont parfois poussés à l’extrême, sans pour autant toujours obtenir de justifications, donnant par moment un aspect purement gratuit aux scènes, mais renforçant grandement le malaise provoqué par la vision du film. La violence peut éclater à tout moment, parfois sans prévenir, et le film ne fera aucune concession là-dessus. Miike filme le tout de manière brute, parfois osée, et les bruitages seront poussés à l’extrême, que ce soit dans les scènes de passage à tabac, de raids meurtriers ou tout simplement de sévices sexuels. Rien ne nous est épargné, et personne ne viendra rattraper les autres personnages. Même Tatsuhiko, notre policier, possède des méthodes plutôt expéditives, et cela nous est montré dés l’introduction, mais la suite ira encore plus loin, avec notamment la torture de prisonnier, ou la sodomie de suspect. Shinjuku est un quartier pourri jusqu’à la moelle. La galerie de personnage est d’ailleurs assez impressionnante et variée à ce niveau, entre les tueurs homosexuels, le fameux Wang, joué par Tomorowo Taguchi (plusieurs Miike, mais également les deux Tetsuo de Tsukamoto, ou encore Tomie et All night long 1 et 3) jusqu’au boss Yakuza interprété par le génial Ren Osugi, en passant par la jeune prostituée qui avoue n’avoir eu un orgasme qu’une seule fois sans se droguer. On pourra noter quelques faiblesses en milieu de récit au niveau de rythme, mais rien n’empêchant vraiment de se plonger dans cette œuvre glauque et sans espoir.

Outre sa thématique sur les immigrés et l’enfance, on retrouvera dans les deux autres opus de la trilogie ce manque d’espoir, ou plutôt cette tromperie pour le spectateur, en tentant de nous faire croire jusqu’au dernier moment que l’espoir peut exister, avant de faire s’effondrer son propre monde dans ces derniers instants. Quand on pénètre dans ce genre de milieu, il n’y a pas d’espoir, pas d’échappatoire, pas de porte de sortie, malheureusement. Miike a bien comprit tout cela, et sa mise en scène ira totalement dans cette direction. Tout ce qui nous sera montré sera crade et sans espoir, le monde est pourri, et la musique ira, elle aussi, dans cette direction. Comme pour Rainy Dog et Ley Lines, le film instaurera en milieu de récit une romance plutôt étrange, plus basée sur la recherche du plaisir dans le cas présent, et fonctionnant assez bien, allant dans le sens des personnages et de son univers. Si Miike ne signe pas son meilleur film sur le milieu, il nous livre tout de même son œuvre la plus radicale et glauque sur les yakuza.


NOTE: 16/20
En bref: Glauque, malsain, sans espoir, une œuvre dure et perverse où l’on retrouve déjà tous les thèmes chers à Miike : l’enfance, l’immigration, la famille, et l’homosexualité, avec en prime un grand casting avec Tomorowo Taguchi et Ren Osugi dans des seconds rôles.

Publié dans Critiques

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